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Le conte, coeur de thérapies

Dernière mise à jour : il y a 1 jour

Les contes accompagnent l’humanité depuis son enfance. On le sait depuis que les paléontologues ont établis l'existences de foyers qui n'avait pas pour objectif la protection ni la chaleur ou la cuisson, mais simplement le fait de pouvoir se rassembler. Les contes se transmettent de bouche à oreille, traversant les âges et les cultures, porteurs d’énigmes, de lois invisibles, de désirs et de terreurs enfouis. En thérapie, le conte devient un outil d’exception : à la fois forme narrative, espace symbolique et support de transformation.


Si le conte ne parle pas de la réalité, il en propose une lecture déplacée, décalée et souvent révélatrice. Il permet d’aborder l’expérience humaine sous une forme codée mais néanmoins puissante. Son langage, fait d’images, d’archétypes, de parcours initiatiques, vient toucher les couches profondes de la psyché, au-delà des défenses, là où la pensée rationnelle ne peut pénétrer.


Dans le champ thérapeutique, le conte n’est jamais neutre : il dit quelque chose de la personne, de sa famille, de son système relationnel. Il peut être reçu comme un miroir ou bien comme un écran. Il peut être raconté, entendu, écrit, mis en jeu, co-construit. Il peut surgir spontanément en séance, comme une fulgurance, ou être proposé délibérément comme médiation.

Travailler avec les contes en thérapie, c’est accepter de naviguer entre le singulier et l’universel, entre le visible et l’invisible. Le conte touche à l’inconscient, certes, mais il parle aussi du lien. Il résonne avec les héritages transgénérationnels, les loyautés invisibles, les pactes silencieux. En cela, il a toute sa place dans une approche systémique : il permet de nommer autrement les nœuds relationnels, les alliances et les répétitions. C'est dans ce sens que le texte d'Yvelyne Rey, Le conte systémique, interpelle.


Un livre ouvert, des étoiles et des plantes s'en échappe
Un livre ouvert, des étoiles et des plantes s'en échappe

Cet ouvrage propose une exploration du conte systémique, c’est-à-dire de l’usage du conte dans une lecture circulaire, contextuelle, relationnelle. Il s’agit d’un outil d’intervention, mais aussi d’un révélateur des dynamiques familiales. En mobilisant des récits traditionnels, des contes inventés par les patients ou co-construits en séance, nous découvrons comment le thérapeute peut accompagner un système à se raconter autrement – et donc à se transformer.


Le lecteur trouvera ici des pistes théoriques, des exemples cliniques, des dispositifs pratiques. Il découvrira comment le conte, loin d’être une échappée poétique hors du réel, peut être un levier d’ajustement, de repositionnement et finallement de rétablissement. La différence entre un conte systémique et un conte traditionnel réside dans le fait que le conte systémique n'a pas de fin prédéfinie. Souvent utilisé dans le cadre de thérapies familiales, il appartient aux participants de choisir une ou plusieurs fins possibles au conte proposé par le ou les thérapeutes. Le conte est créé par le thérapeute ou l'équipe thérapeutique pour donner une forme fictive à la perception du problème que la famille ou le groupe, rencontre. Il est délibérément laissé inachevé, car il sert de miroir fictif à la situation présente, qui n'est pas terminée puisque c'est la famille qui décidera de la suite.


Yvelyne Rey désigne ces contes comme des "objets flottants", des techniques empruntées au domaine artistique. L'idée de l'objet flottant est qu'il s'agit d'un objet malléable, fictif et modifiable à l'infini. Il se retrouve presque à l'identique dans le concept de médium malléable, inventé par Marion Millner, développé par René Roussillon et central dans les arts-thérapies.


Le conte se place entre le groupe et les thérapeutes, devenant un lieu de projections et de modifications successives. Les thérapeutes ajustent cet objet en tenant compte des corrections apportées par chaque membre de la famille. Ce processus d'ajustements successifs permet à la famille de se redéfinir, à la fois à partir de ce qu'elle est aujourd'hui et de ce qu'elle souhaite devenir. Si l'on regarde du côté des arts-thérapies, on voit que ce procédé existait dans un autre dispositif, le récit des origines (Sandrine Pitarque) ou le conte de naissance (Barbara Lau). Dans ces dispositifs, le conte est écrit une première fois par le ou la thérapeute, épisode par épisode, puis réécrit et modifié par les parents, avec la participation de l'enfant.


Ainsi, le processus thérapeutique repose sur une modification progressive des représentations, qui entraîne des changements dans les comportements et les relations, conduisant finalement à un nouvel équilibre (l'homéostasie en systémie), bénéfique pour chaque membre de la famille ou du groupe. On peut aussi établir une relation avec le concept de tendance actualisante de Carl Rogers, où le changement des représentations pousse l'individu à se modifier.


Dans le texte d'Yvelyne Rey, l'objet fictif est mis au centre du processus, où la transformation se fait d'abord à l'intérieur de cet objet, exactement comme en art-thérapie. Cela diffère de l'utilisation des contes par Bernard Chouvier, où l'important est ce que le conte représente et les affects qu'il contient pour ceux qui l'écoutent, mais ne devient pas le lieux même de la transformation.

En art-thérapie et dans le cas du conte systémique, l'accent est mis sur le processus de création de l'objet malléable, fictif et flottant.


Une pierre en supporte d'autres, en équilibre

Peut-être est ça là la magie ultime du conte, celle de nous rappeler que même dans les situations les plus complexes, une issue est toujours possible, à condition d’en imaginer la suite. Et si la thérapie était avant tout l’art de raconter autrement pour vivre autrement ?

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